Il s’agit donc clairement d’un problème d’image. Bob Shingleton est d’accord. Il pense que l’un des coupables est le streaming en ligne, surtout lorsqu’il est offert gratuitement. Les billets d’opéra semblent chers par rapport à la gratuité, d’après son argument. Je suis enclin à être en désaccord avec cette thèse, mais j’admettrai volontiers que c’est parce que j’apprécie et apprécie les webstreams de concerts et d’opéras, et j’aime à penser que je n’associe pas leur coût financier à leur valeur artistique et culturelle.
C’est bien sûr là que je me fais des illusions. L’impulsion capitaliste à quantifier la valeur en termes matériels est innée. Ce n’est pas la seule façon dont nous jugeons les choses, mais c’est toujours dans le mélange quelque part. C’est là que l’image et le statut culturel de l’opéra deviennent un problème. L’opéra doit défendre une position précaire dans le monde du théâtre, celle qui repose sur la notion de « grand art ». C’est ce qui le distingue du monde beaucoup plus vaste, plus rentable – et plus cher – du théâtre musical commercial.
La distinction est fondamentale pour la survie de l’opéra ; c’est ce qui justifie la subvention publique qui la maintient à flot. Des distinctions génériques séparent les deux formes d’art, mais il en va de même pour les expériences réelles de les voir et de les entendre. L’opéra conserve son apparence de “grand art” en ayant l’air cher – cette équation fondamentale entre la valeur financière et artistique. Il suffit de regarder le décor du Royal Opera House ou du Coliseum. Ensuite, il y a le code vestimentaire, quelque chose que peu de défenseurs de l’opéra ont jamais fait de sérieux efforts pour défendre (l’explication de John Christie selon laquelle c’est par respect pour les interprètes un effort rare et ténu).
Le fait est que l’opéra doit être considéré comme supérieur et spécial. Il doit se présenter avec les signes extérieurs de l’aristocratie, quel que soit son public cible. C’est une partie intégrante de ce qui rend l’opéra distinctif – et éligible à une subvention pour des raisons artistiques. L’ironie est profonde et enracinée : cet opéra doit avoir l’air cher pour bénéficier du financement qui le maintient bon marché.